Comme chaque année, la Zone Mixte de la Tribune Mancelle poursuit son tour des terrains adverses. Le principe ? Interviewer une personnalité qui connait bien le prochain adversaire du Mans FC pour obtenir son analyse sur l'équipe et le match à venir.

Ce vendredi soir (à 18h), les hommes de Patrick Videira se déplacent du côté de Villefranche-Beaujolais (14e). Deux équipes qui ont gagné la semaine passée et qui voudront gagner des places au classement : recoller un peu plus au peloton de tête pour l'un et s'extirper du gouffre pour l'autre. En marge de cette rencontre, nous avons interviewé Ralph Neplaz, journaliste et spécialiste du club caladois.
Bonjour Ralph, pouvez-vous vous présenter ?
Bonjour, je suis correspondant pour le journal "Le Patriote Beaujolais", en charge du football depuis plus de 20 ans. Je suis particulièrement l'actualité du FC Villefranche-Beaujolais, en National. Cette saison, c'est la seule équipe du Rhône à figurer à ce niveau, après les déboires du GOAL FC cet été dans sa quête de repêchage en N1. Cela change considérablement le suivi de ce championnat. L'an dernier, un certain enthousiasme entourait cette compétition, avec deux rivaux aussi proches dans la région. Une première qui n'aura duré qu'une saison, malheureusement.
La semaine dernière, Philipe Diallo a annoncé la création de la Ligue 3, un projet soutenu par plusieurs présidents, dont Philippe Terrier, président du FCVB. Quel est votre point de vue sur cette initiative qui va chambouler le quotidien de nombreux clubs ?
Longtemps, ce projet a ressemblé à un serpent de mer. À vrai dire, plus grand monde n'y croyait encore, jusqu'à la récente élection de Philippe Diallo à la présidence de la FFF. Si les dirigeants des clubs de National peuvent s'en réjouir, je demande à voir ce que cela va donner concrètement. Avoir le statut professionnel est une chose, mais octroyer aux clubs les moyens financiers qui vont avec, en est une autre.
Aujourd'hui, des questions n'ont pas encore de réponses. Qui va diffuser ce championnat ? Et cette diffusion va-t-elle demeurer gratuite ? Quel contrat les clubs pourront-ils offrir aux joueurs ? Les divers intervenants dans ces clubs – médicaux – auront-ils une nouvelle considération ? Beaucoup font du bénévolat. C'est l'esprit des clubs amateurs qui prédomine. Mais aujourd'hui, on touche les limites de ce fonctionnement.
Comme beaucoup de monde, je vais donc attendre avant de me prononcer sur les promesses faites par Philippe Diallo… On va dire que l'idée d'une confiance réciproque entre la FFF et les clubs de National, ne casse pas les murs d'une entente véritable, à ce jour.
Repêché l'été dernier après la rétrogradation des Chamois Niortais, Villefranche vit une première partie de saison compliquée avec une 14e place au classement, quel bilan tirez-vous de cette phase aller ?
Quand la saison dernière s'est terminée, Villefranche finissant à la 13ème place comme premier club relégable, on s'est demandé si l'été à venir ne portait pas tous les écueils d'une intersaison illisible en matière de projection. Très vite, cela s'est confirmé. Tous ceux qui avaient porté l'équipe, l'an dernier, sont partis (les milieux Sergio, Blanc, Louzif, Camara, les attaquants Sidibé, M'Buyi). C'était comme la fin d'un cycle qui n'avait pas vraiment commencé. Cette saison, a été dure à s'enclencher avec 90% de l'effectif renouvelé. Le manque de créativité a vite été perçu comme une des nombreuses lacunes du groupe de Laurent Combarel, alors que la base défensive, avec le gardien Sullivan Péan qui a effectué une très bonne première partie de saison, a été une des premières satisfactions de la saison.
Mais l'ensemble du groupe est très perfectible. L'équipe a eu du mal à trouver une certaine expression collective pour avancer. Ce n'est pas étonnant de voir qu'à la mi-saison, Villefranche n'a remporté que trois succès dont la dernière à QRM, dimanche dernier (0-1) qui semble lancer une dynamique nouvelle ! Mais tout est encore fragile.
Les entraîneurs disent souvent qu'il faut une série pour parler de progression. Villefranche en est là, avant le début de la phase retour. Mais voir cette formation enfin en dehors de la zone rouge, est une vraie bouffée d'oxygène car le groupe a connu très peu de réussite jusqu'ici. On les sent revanchards. C'est un moindre mal pour se sortir d'une telle situation. La météo sportive leur est favorable, avec seulement deux descentes en fin de saison. Le maintien est dans leurs cordes. Vraiment. Et puis, des leaders commencent à émerger, à incarner l'idée d'une solidarité nécessaire en bas de tableau. Les derniers matches du capitaine Couturier, au milieu, l'entrée en jeu de Ba devant à QRM et celle du jeune havrais Bentoumi, confirment ces impressions. Reste à voir si cela va durer.
Face à cette situation délicate, la direction caladoise s'est activée durant ce mercato hivernal avec 5 recrues dont l'ancien marseillais, Rocchia ou encore l'ex buteur du Red Star, Achille Anani. Que pensez-vous de ces choix pour tenter de se maintenir ?
Est-ce que ce sont des bons choix ? Seul l'avenir nous le dira. En général, Villefranche bénéficie de prêts de clubs pros, quand l'hiver arrive. Et ces dernières saisons, peu ont été des réussites. À part la demi-saison de l'ex-défenseur bordelais Malcom Bokele et du milieu Florent Da Silva en 2022, les autres n'ont pas vraiment changé le destin du FCVB en National…
Là, les premiers pas de Rocchia, comme piston gauche, là où on attendait plus de Bastian, sont intéressants. Abou Ba était déjà passé au FCVB, l'an dernier avant sa blessure au genou. C'est un joueur que Combarel n'a pas dans son effectif, capable d'apporter un plus offensif, de casser des lignes, d'être dans la conservation utile, pas dans le jeu du "petit ballon" qui sert à pas grand-chose ! J'ai hâte de le revoir. En plus, c'est un gars avec une belle mentalité. Le bon joueur de vestiaire.
Là où j'ai peu d'infos concerne l'ex-capitaine de Jura Sud, Raouf Mroivili. Il est annoncé comme un joueur impactant qui bonifie les actions, qui fluidifie le jeu. Il vient de N2, dans une poule très relevée. Il peut apporter un dynamisme certain dans l'entrejeu caladois.
Enfin, tout le monde a été surpris de voir Anani accepter le défi du maintien chez un club de bas de tableau de National. Le club a bossé pour le convaincre. Et ça, c'est un bon point de départ pour un attaquant qui manquait de temps de jeu en Ligue 2. À Quevilly, j'ai trouvé sa première sortie convaincante dans les efforts fournis. Mais maintenant, j'attends de voir comment les autres, autour de lui, vont comprendre ses déplacements, son importance dans la surface quand l'équipe a tant de mal à s'y aventurer.
L'entraîneur caladois, Laurent Combarel, arrivé à la tête du FCVB l'été dernier, est le plus jeune entraîneur du championnat. Pensez-vous qu'il est capable de gérer cette situation sportive délicate ou qu'il souffre de son manque d'expérience ?
À vrai dire, j'ai été surpris de sa nomination, cet été, après la fin du dernier championnat. Beaucoup de monde, à l'extérieur du club, s'attendait à voir Alain Pochat prolonger parce qu'il avait quand même réussi à remettre cette équipe sur de bons rails, au niveau collectif. Il suffit de se souvenir de la joie du dernier match face à Nancy en mai dernier (2-1) au stade Armand-Chouffet. Mais dès la fin de cette rencontre, on a senti que son aventure à Villefranche pouvait s'arrêter dans les jours suivants. Cela s'est confirmé.
Le choix de Laurent Combarel, qui s'explique avant tout par ses bons résultats avec la réserve, a été porté par une bonne partie des dirigeants, en interne. Et peu importe si le manque d'expérience du National pouvait paraître comme un frein à sa désignation. En juin, Villefranche n'était pas encore repêché en National et travaillait aussi à l'hypothèse d'une saison en N2. Combarel n'ayant pas le diplôme pour entraîner en N1, le club a quand pris le risque de continuer avec lui. Un risque calculé car, la FFF en repêchant Villefranche en juillet, ne pouvait que permettre une dérogation au club pour ne pas compliquer davantage la préparation d'une saison qui s'annonçait difficile, dès l'entame.
En ce sens, Laurent Combarel a un certain mérite d'être monté dans un pari pareil, avec autant d'incertitudes. Mais quand on est jeune, on n'attend pas ! Il a fait avec les moyens donnés. Et c'est déjà pas mal d'être encore dans la course du maintien, compte-tenu de la difficulté du championnat. Souffre-t-il du manque d'expérience ? Je ne sais pas, je ne suis pas à l'intérieur du vestiaire pour l'affirmer. Mais il est à l'écoute, et ça, ce n'est pas rien, surtout avec un staff aussi jeune. Les échecs des recrutements de certains éléments comme Fortuné ou le milieu Charpentier, cet été, sont derrière maintenant. Il laisse ses dirigeants bosser sur les renforts nécessaires à son effectif. On sent que ceux qui n'ont pas encore vraiment performé veulent à tout prix saisir leur chance. C'est un coach qui apprend dans la difficulté et qui se remet en question. Avoir la confiance des dirigeants, ça aide un peu, dans ces circonstances.
Malgré les difficultés, un joueur se distingue, Adama Diakité, arrivé de Clermont en juillet dernier. Avec 3 buts et 2 passes décisives, il est à la fois le meilleur buteur et passeur de l'équipe. Comment décririez-vous Diakité en quelques mots ?
Diakité, c'est typiquement l'attaquant que ceux qui suivent les championnats de N2 avaient déjà repéré quand il était Trélissac, il faisait déjà de grandes différences, sur les côtés. C'est l'un des seuls joueurs à changer de rythme dans les 30 derniers mètres. Il est imprévisible pour les défenses du National. Il s'est mis à marquer en automne, après avoir tardé à trouver la bonne carburation. Laurent Combarel l'a même essayé au poste de piston droit où il a performé. Mais sa place est devant, dans une attaque à trois avec deux excentrés. A l'évidence, c'est l'atout offensif numéro du FCVB, cette saison. Et il a pris la responsabilité de tirer un penalty dans le récent derby face à Bourg (1-1). Ça dit beaucoup de sa confiance du moment. Sa complémentarité avec Anani va être intéressante à observer. Le maintien du club est dans leurs pieds, quelque part !
Outre l'ancien clermontois, quels autres joueurs méritent une attention particulière du côté du FCVB ?
J'ai appris à connaître le milieu Clément Couturier, à son arrivée. C'est un leader. Il a pris la mesure, cet été, de ce qui l'attendait ici en succédant aux Blanc, Sergio, au milieu. Ce n'est pas simple de passer après des joueurs de ce calibre. Il assume. Une personnalité attachante, concerné dans un vestiaire. Il a joué un peu plus haut, à QRM, dans un registre que je ne lui connaissais pas. Il a vite compris ce qui faisait l'âme de ce club. Ensuite, la saison que vit Sullivan Péan, dans les buts, est assez remarquable. Il a acquis une nouvelle envergure à Villefranche, en restant un an de plus. C'est LE joueur de cette demi-saison. Il a rapporté au moins la moitié des points que Villefranche a aujourd'hui, si ce n'est plus.
Ce vendredi, les joueurs de Villefranche-Beaujolais vont porter un maillot spécial à l'occasion de la réception du Mans. Pouvez-vous nous expliquer l'histoire autour de cette tunique ?

C'est une drôle d'histoire, cette tradition des Conscrits. Cela remonte à très loin dans le passé de la ville. On célèbre, chaque année les décades, des 20 ans jusqu'aux 100 ans ! Une fête locale. Ça se traduit par une semaine de célébrations qui correspondaient autrefois à l'entrée dans le monde des adultes, au départ à l'armée des jeunes nés la même année.
On y est tous plus ou moins passés. Les conscrits, c'est un moment fort d'amitiés pour beaucoup, de retrouvailles. Et ca perdure. Le FCVB a voulu s'inscrire dans cette histoire, ces dernières années, en créant à chaque moment où cette fête démarre, un maillot spécial. Ça marche souvent avec le traditionnel gibus, et la cocarde qui va avec. On aime ou on n'aime pas. Mais force est de constater que ça marche ! Cette saison, le maillot noir, je le trouve assez classe, d'ailleurs… Sans jeu de mots que les locaux comprendront !
Pour tous les autres, des copains qui viennent de plus loin, ils me demandent souvent le sens de tout ça, de l'absence des filles dans le défilé, des voitures bruyantes, des chars le vendredi soir, des fanfares le dimanche matin, des banquets, du bal du dimanche soir,… Je leur dit que toutes les fêtes ne s'expliquent pas, mais qu'elles se vivent et se partagent. Aujourd'hui, on ne peut que s'en réjouir, les occasions d'être ensemble sont devenues si rares ! Cela dépasse le cadre du foot…
Enfin, comme le veut notre tradition, quel est votre pronostic pour ce match ?
J'ai pas changé, par rapport à la dernière fois que vous m'aviez posé cette question. Je tape tout le temps à côté dans les pronostics. Mais tout peut changer, un jour. Alors je dirai que Villefranche va l'emporter de justesse, 2-1, avec deux buts de Diakité et Anani ! Et puis Péan va encore sortir des miracles. Je ne m'avance pas beaucoup ! Le Mans aura la tête au PSG, à la Coupe de France. Et ça, c'est plutôt bon signe, non ?
Nous remercions Ralph Neplaz d'avoir accepté de répondre à nos questions. Vous pouvez le retrouver sur X en cliquant ici.
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