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Rémi Farge : « S'il y a un match où Sochaux ne peut pas se rater, c’est celui-ci »

Nouvel épisode de la Zone Mixte de La Tribune Mancelle qui, lors de chaque match à l'extérieur, permet d'interroger une personnalité connaissant bien le prochain hôte du Mans FC, afin d'avoir son analyse sur l'équipe et le match à venir.


Le Mans se déplace ce samedi chez un club historique du football français, le FC Sochaux-Montbéliard. Donnés pour morts il y a 7 mois, les Lionceaux sont bien présents dans ce National et n'y font nullement de la figuration. Alors que le club manceau semble sur une nouvelle dynamique, le match n'en devrait être que plus disputé. On fait le point sur la situation sochalienne avec le spécialiste du club pour L'Est Républicain, Rémi Farge.





Bonjour Rémi. Merci de prendre le temps de nous répondre. Avant tout, pouvez-vous nous raconter votre lien avec le FC Sochaux-Montbéliard ?


Je suis journaliste à L’Est Républicain, à Montbéliard. Je suis chargé de suivre le FC Sochaux depuis trois ans maintenant. Je les suis partout, à domicile comme à l’extérieur, pendant la semaine… Je suis journaliste sinon depuis 2014. Étant originaire du pays de Montbéliard, avant d’être journaliste, j’allais au stade depuis tout petit, j’étais abonné pendant pas mal d’années. Sochaux, c’est un peu plus qu’un métier pour moi !


 

Le 5 août 2023, La Tribune Mancelle publiait un communiqué pour apporter son soutien aux supporters sochaliens et sedanais qui voyaient leur club rétrogradés dans les divisions régionales. Pourtant, quelques semaines plus tard, le FCSM entamait sa saison de National. Avec le recul, comment vous analysez cette folle période ?


Alors, contrairement à Sedan, le FCSM n’a jamais vraiment été rétrogradé dans les divisions régionales. C’était une menace qui planait au-dessus du club et qui devenait très concrète sur la fin. Mais à aucun moment il n’y a eu une rétrogradation au-delà du National de prononcée. Sochaux a été très vite rétrogradé en National, ça a été confirmé en appel mais même si ça a été très long il n’y a pas eu de dépôt de bilan.



Après, c’est vrai qu’on a vécu un été totalement dingue avec des rebondissements presque tous les jours pendant un mois et demi. Sochaux était donné pour mort. On a assisté à son enterrement à l’occasion d’un dernier entrainement en public début août. Tout le monde est reparti chez soi. Le club a cessé ses activités sportives et donc on s’attendait au dépôt de bilan. Et puis il y a eu ce dénouement totalement inattendu et incroyable avec messieurs Plessis et Wantiez qui ont en quelque sorte sauvé le club.



« Avoir de l’argent c’est bien mais bien gérer le club c’est aussi très important »

Comment le club en était-il arrivé là ?


Assez simplement. Le FC Sochaux a perdu ses valeurs, a oublié son histoire, en cédant à une gabegie financière, en donnant des salaires incroyables, en menant un train de vie qui n’avait rien à voir avec celui d’un club de Ligue 2 et encore moins celui du FC Sochaux. Tout reposait sur la solidité d’un actionnaire qui devait remettre au pot à la fin de chaque saison. Sauf que la solidité de l’actionnaire s’est fissurée. Quand il a fallu remettre la dernière fois, personne n’est venu et Sochaux s’est retrouvé pris à son propre piège. C’est une bonne leçon. Avoir de l’argent c’est bien mais bien gérer le club c’est aussi très important parce que le jour où l’argent manque, si vous avez fait n’importe quoi avant, vous êtes fichus.



 

Après un début logiquement compliqué, Sochaux a ensuite trouvé son rythme pour s’affirmer comme un potentiel outsider ou en tout cas s’éviter l’angoisse d’une lutte pour le maintien. Est-ce que vous vous attendiez à ce scénario ?


Au début de saison, l’objectif du FC Sochaux était de se maintenir en National car la réussite du projet de messieurs Plessis et Wantiez dépend de ce maintien. Si on descend en N2, il n’y a plus de statut pro et tout s’écroule. Le début de saison est difficile et en même temps totalement logique puisque les joueurs sont arrivés au dernier moment, ne se connaissaient pas, n’avaient pas fait de préparation physique.


Sochaux perd donc ses deux premiers matchs, et après la machine a bien démarré jusqu’à faire une excellente première partie de saison puisque début janvier après le dernier match aller, le club est plus que jamais candidat à la montée. Ce qui était totalement inattendu, on va pas se mentir. La mayonnaise a pris très vite. Tanchot a très vite trouvé un XI, des joueurs se sont révélés comme Daho, Fatar, Viltard, Hoggas. On a trouvé un gardien, Mathieu Patouillet, qui a amené de la sécurité et donc Sochaux s’est retrouvé à tutoyer les sommets.




Si vous deviez citer parmi l’effectif les satisfactions de cette saison doubiste ?


La révélation c’est Alex Daho, un très jeune joueur qui est arrivé à Sochaux en post-formation. Il avait déjà 18 ans, il n’avait pas fait de centre de formation. Donc il était passé sous tous les radars et il est en train d’exploser. Il a été assez impressionnant sur certains matchs de la phase aller. Il a confirmé en Coupe de France contre des équipes de Ligue 1, ce qui a attiré des lumières sur lui et ce qui va  l’amener sans doute à quitter Sochaux à la fin de la saison avec un joli prix. C’est un joueur imprévisible, capable de faire des différences en 1v1 à tout moment, même dans des espaces très réduits. Il a une qualité de dribble largement supérieure à la moyenne.



Parmi les autres  satisfactions, on peut citer Noah Fatar, même s’il est un petit peu dans le dur actuellement. Le jeune Allan Ackra aussi, qui a une situation contractuelle compliquée mais qui pour une première saison dans un effectif  pro est très largement au niveau. Et donc Mathieu Patouillet, un gardien prêté par Lyon, qui lui aussi apporte de la sérénité et de la maturité dans son but.



« Tanchot, c’est un peu le tube de l’année »

Deux anciens Manceaux figurent dans l’équipe : Issouf Macalou et N’Dri Koffi. Comment se passe leur saison ?


Ils font partie des joueurs qui déçoivent cette saison malheureusement, pour des raisons très différentes. N’Dri Koffi était le seul avant-centre de métier dans l’effectif quand il est arrivé donc il avait une voie royale pour s’imposer. Malheureusement, il est à la peine. Ses prestations n’ont pas convaincu le staff, qui préfère aligner Kévin Zohi, un ailier de formation, à sa place. Ça fait un mois qu’il n’est plus dans le groupe et qu’il joue avec la réserve en N3 donc il est en situation d’échec.


Issouf Macalou | © @fcsm_officiel

Pour Macalou, il y a des  explications plus rationnelles. Pas mal de blessures, notamment en début de saison, ont freiné son évolution. Il revient bien depuis le début de l’année, c’est un des seuls à surnager dans cette période plus difficile. Malheureusement à chaque fois qu’il a la confiance du coach qui le lance dès le début de match, par exemple en le repositionnant dans l'axe, ça ne marche pas. Contre Rouen lundi, il est complètement passé à côté de son match. Il n’apporte pas ce pour quoi il a été recruté, mais ça va mieux.



Parlons du coach Oswald Tanchot. Comment est-il perçu par les suiveurs du club ?


Tanchot, c’est un peu le tube de l’année à Sochaux ! Quand il a été choisi pour succéder à Olivier Guégan, ça a fait beaucoup jasé parce que les supporters ne le connaissaient pas beaucoup. Ce n’est pas un coach avec une grande image, il ne sait pas forcément se vendre, et n’a pas de parcours dingue.


Oswald Tanchot | © @fcsm_officiel

Et puis, finalement,  ce qui s’est passé cet été l’a un peu servi parce que lui a eu une attitude extrêmement digne dans la tempête. Il aurait pu partir, il est resté alors qu'il se retrouvait à entrainer des gamins de 18-19 ans… Il est resté très disponible pour le public à la fin des séances, il a beaucoup échangé, beaucoup répondu aux craintes. Il s’est très vite fondu dans le moule, il a épousé les valeurs du club, de la région : discrétion, humilité, travail… Ce qui fait que ça a très très vite matché avec le public. Et comme les résultats ont été bons sur les six premiers mois, avec cette épopée en Coupe, tout le monde s’y est retrouvé. En plus Sochaux jouait bien avec une période avec trois buts par matchs, un jeu offensif, direct. C’était plaisant.



La dernière fois que Le Mans s’est imposé à Bonal, les deux clubs évoluaient en Ligue 1 (11 août 2007)… Dix ans après la dernière saison sochalienne au premier niveau, est-ce qu’on peut encore imaginer que la Ligue 1 est l’ambition ultime du club ?


Le rêve du président Plessis est de ramener Sochaux en Ligue 1. Maintenant, la réalité c’est que Sochaux doit retrouver le monde professionnel. Donc si le FCSM revient en Ligue 2, ça sera déjà une très très grande victoire. Est-ce que la place de Sochaux est encore en Ligue 1 dans les années 2020 ? Je n’en suis pas sur parce que Sochaux a quand même quitté la Ligue 1 en 2014, ça fait un bail et le foot d’élite a énormément évolué depuis. On le voit quand on se rend dans les stades de Ligue 1, on le voit quand on regarde les structures, l’administratif, les salaires… tout ça Sochaux s’en est beaucoup éloigné et a pris énormément de retard.


Donc aujourd’hui, Sochaux est très très loin du quotidien d’un club de Ligue 1, l’idée c’est de revenir en Ligue 2, ça sera déjà un bon pas de fait et après peut-être en travaillant intelligemment, rattraper le retard pour revenir en Ligue 1, mais on en est vraiment loin aujourd’hui.



« Le château de carte est en train de s’écrouler d’un seul coup »

Parlez-nous un peu du public de Bonal… On parle souvent de 12e homme et on a l’impression qu’à Sochaux c’est encore plus vrai qu’ailleurs non ?


Ça fait quelques saisons que le stade Bonal a de bonnes affluences, même en Ligue 2, avec un groupe de supporters, d’ultras qui s’appelle la Tribune Nord Sochaux, qui est très dynamique, qui fédère bien, qui arrive à attirer des jeunes, des femmes. Donc ça se renouvelle beaucoup. Ce qui s’est passé cet été a encore renforcé le sentiment d’appartenance au club, d’appropriation culturelle des valeurs de la région. Sochaux c’est un phare du patrimoine local et beaucoup de gens ont eu un retour de flamme avec ce qui s’est passé cet été, la quasi-disparition du club.


On est à une moyenne de plus de 10 000  spectateurs à Bonal depuis le début de saison, ce qui est assez exceptionnel pour du National. Mais en plus, c'est un public qui est de plus en plus supporter, ce qui n’a pas toujours été le cas ici, car de tradition le public était plutôt spectateur. On voit des gens chanter, sauter partout dans le stade, c’est très plaisant à voir, même si les résultats sont moins bons et que ça peut couper l’élan.


La Tribune Nord Sochaux | © @fcsm_officiel

Comment vous voyez la fin de saison désormais, alors que sauf surprise, la montée ne semble plus trop jouable ?


Depuis un mois et demi, Sochaux n’a pas gagné un match, donc ça fait cinq matchs sans victoire, trois points pris... personne ne fait pire sur cette période. Le château de carte est en train de s’écrouler d’un seul coup, c’est un peu brutal. L’épopée en Coupe de France n’y est pas pour rien. L’absence de vraie préparation physique pendant l’été aussi. Sochaux est en train de payer physiquement. Il y a beaucoup moins d’impact, beaucoup moins de course pendant les matchs. Dès que l’adversaire accélère, Sochaux est dépassé.


Pour la montée, c’est cuit, on va pas se le cacher. Maintenant l’objectif est de se maintenir le plus vite possible pour s’éviter des frayeurs inutiles en fin de saison. De toute façon on verra l’année prochaine, mais il ne faut pas passer trop de temps non plus en National.



La traditionnelle question de fin : quel sera le score du match selon vous ?


Match très important pour Sochaux. Il faut absolument repartir de l’avant car le bas de tableau se rapproche dangereusement. Et puis ce sera un match très particulier à Bonal : c’est le match des Socios, qui célèbre l’association Sociochaux, qui a œuvré pour le sauvetage du club cet été. Sochaux portera un maillot spécial, il y aura beaucoup de monde en tribunes, beaucoup d’animations avant-match. S'il y a un match où Sochaux ne peut pas se rater et doit absolument gagner pour se relancer c’est celui-ci. Ça doit être une fête et ça doit pas être gâché. Les joueurs vont porter un maillot avec les noms inscrits dessus des gens qui ont aidé à les sauver, il va falloir le mouiller encore plus que les autres. Je vois bien Sochaux se reprendre sur ce match : victoire 2-1, compliquée au forceps.




Un immense merci à Rémi Farge d'avoir pris le temps de nous répondre. Vous pouvez le lire régulièrement dans L'Est Républicain ou le retrouver sur X.

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